Que faire... ?

Joachim s'arrêta juste devant la grille, son regard rouge suivant avec une certaine angoisse les barreaux hauts et sombres. Il posa une main tremblante contre eux, hésitant à pousser la grille.

*Que faire ? Je ne peux pas m'incruster comme ça chez quelqu'un... et pourtant... *

Il y avait comme une sorte d'aura irrésistible qui l'attirait à cet endroit, comme si quelqu'un l'appelait en silence, lui demandant de venir. Mais la peur restait très présente.

Que lui arriverait-il une fois de l'autre côté ?

Il commença à pousser, très lentement, la lourde grille d'entrée. Le grincement sinistre de cette dernière le figea d'effroi. Cela lui faisait énormément penser aux histoires de fantômes qu'il avait pu entendre quand il n'était encore qu'un enfant.

Le coeur battant durement dans la poitrine, il se remit à pousser la grille, plus lentement encore.

*Je ne devrai pas... J'ai vraiment un mauvais pressentiment... *

Il s'arrêta encore, le souffle court et tremblant. Il était au bord de la crise de manque due à sa dépendance au sang mais également au bord de la panique. Il avait réellement peur.

(libre à celui qui le désire de me rejoindre ^^; j'aime pas rp tout seul)

Là, juste de l'autre côté de la grille, se tenait quelqu'un. C'était à priori un jeune homme, de bonne classe au vu de sa manière de se vêtir. Il tenait un verre dans la main, qu'il sirotait, l'air distrait.
Il se retourna en entendant la grille s'ouvrir, et regarda le nouveau venu comme s'il s'agissait d'un fantome ou qu'il était venu au milieu d'une soirée privée sans y être invité.

"On rentre ici comme dans un moulin", se contenta-t-il de faire remarquer en relevant un sourcil, avant de tirer Joachim par la main pour qu'il entre pour de bon. "Pas grave, moi aussi j'habitais pas ici avant. Philip O'Grey, enchanté."

L'irlandais fit un léger sourire et continua à siffler son verre, observant l'homme du coin de l'oeil, l'air maintenant amusé. C'était la première fois qu'il venait si près de la sortie, et aussi la première fois qu'il voyait quelqu'un entrer dans le manoir. Il s'était toujours demandé si les personnes qu'ils voyaient du jour au lendemain étaient des gens qui venaient aussi de l'extèrieur ou si il y avait autre chose, mais maintenant ça se confirmait. Restait à savoir comment sortit du manoir, ce qui n'était pas chose facile, il avait déjà essayé plein de fois.
Un rire nerveux le prit, et il reporta de nouveau son attention sur Joachim.

"Tu m'as l'air bien pâlot, dis donc... un peu de vin d'absinthe? Ca vous requinque un homme, ça..."

Il fit un sourire que l'on pourrait qualifier de carnassier en finissant sa proposition, tendant son verre déjà presque vide.

Joachim sursauta lorsqu'il entendit Philip lui parler. Il se tourna vers lui, ses yeux rouge sang écquarquillés et le coeur battant la chamade. Mais il se laissa faire lorsque l'autre homme le tira par la main.

"Ah... euh... " fut tout ce qu'il réussit à dire d'intelligent tant il était surpris.

Il inspira profondément, reprenant un minimum de calme. Les fantômes n'existaient pas. Les vampires non plus.... quoique lui-même aurait pu être qualifié comme tel...

"Enchanté, Mr O'Grey... Je m'appelle Joachim Alucard Disraeli... " se présenta-t-il à son tour, une grimace de douleur au visage.

L'autre homme avait remarqué son malaise, c'était déjà ça, mais comme allait-il lui expliquer qu'il avait besoin de sang ?

Il déglutit nerveusement, effrayé à la perspective de se retrouver seul si jamais l'autre était dégoûté par sa dépendance à l'hémoglobine. Mais Joachim en avait réellement besoin, et vite... Et il préférait que cela vienne de quelqu'un qui accepte de lui en donner plutôt que d'avoir à tuer encore une fois.

Il leva son regard carmin vers Philip et, un sourire crispé aux lèvres, lui expliqua le plus calmement qu'il le put :

"Je n'ai pas besoin de ce genre de boisson... Je ne suis pas malade non plus... Non, en réalité, je suis rongé par ce mal qui rend des humains tout à fait normaux dépendant au sang... Et... "

Il ravala sa salive, puissant dans ses dernières forces pour ne pas sauter à la gorge de son interlocuteur.

"... Je... suis en manque... " murmura-t-il, baissant son regard avec une certaine honte.

Philip se contenta d'un simple hochement de tête en entendant l'homme se présenter. Il ferait peut-être des efforts pour le retenir, de toute manière il avait pour habitude de ne fréquenter personne, et le nombre de noms qu'il avait à mémoriser était limité.
Il prit le refus de son verre avec un simple haussement d'épaules : après tout ça n'était pas un mal, ça lui en faisait toujours plus pour lui. Il avala d'ailleurs le fond qui restait d'un trait, tout en continuant d'écouter avec attention ce que racontait Joachim. Il tiqua en l'entendant parler de sa dépendance au sang. Il avait déjà entendu parler de ce genre de mal, mais pour lui il ne s'agissait que de rumeurs, d'histoires exagérées dans le but d'effrayer la populace et de donner de l'inspiration à des écrivains en manque de muses.

Ses yeux se plongèrent un instant dans le regard de cet homme étrange, puis il laissa le verre tomber, avant de se mettre à rire comme un dément. L'objet se fissura juste, sans se briser complètement, produisant un petit bruit cristallin en heurtant le sol. Il cessa de rire net en le regardant, puis l'écrasa du pied, piétinant à plusieurs reprises comme pour être sûr que l'objet soit réduit en miettes, avant de relever la tête et de faire un sourire étrange.

"Et alors? Qu'est-ce que je suis sensé comprendre?", siffla-t-il doucement, avant de s'approcher légèrement de Joachim, de lui relever doucement le menton et de lui murmurer d'un ton glacial, "donne-moi une bonne raison de te donner ce que tu désires..."

Philip O'Grey l'adolescent était présent depuis le début, laissant de côté toute la gentillesse dont il aurait pu faire preuve s'il en avait été un autre. Le cas étrange de son interlocuteur l'interessait : il pouvait bien sûr raconter des salades, mais l'air chamboulé qu'il avait ne paraîssait pas simulé, et c'était une bonne occasion pour le jeune homme de s'amuser un peu aux dépends d'un autre, sans que l'enfant ou l'adulte ne viennent le déranger.

Joachim déglutit nerveusement, paniqué par le soudain changement d'humeur de l'autre jeune homme. Il avait l'air si calme, si amicale quelques secondes plus tôt et maintenant...

Un fou, cet homme était sûrement fou !

Il voulut fuire, s'éloigner de lui, mais son corps refusa de lui obéir. Il était pétrifié de peur.

L'albinos détourna son regard, n'arrivant pas à soutenir celui de Philip. Il avait besoin de sang, mais que pouvait-il offrir en échange ? En plus, rien ne prouvait que sa proposition satisferait l'autre.

*Une bonne raison... Une bonne raison... * se répéta-t-il mentalement, peu attiré par l'idée de finir piétiné comme les morceaux du verre qui avait été brisé.

Il soupira légèrement, résigné. Il n'y avait qu'une seule solution : faire ce que faudra l'autre. C'était risqué, très risqué, mais il n'avait pas d'autres solutions. C'était ça ou retourner dehors pour tuer quelqu'un ou un animal.

D'une voix mal assurée, il répondit à Philip, espérant que cela le convainc que l'aider :

"Je ferai absolument tout ce que vous désirez en échange... "

Il était désespéré et il savait qu'il allait tôt ou tard regreter ses paroles, mais pour l'instant, rien n'avait plus d'importance que d'obtenir ce précieux liquide carmin dont son corps avait tant besoin.

Philip resta silencieux une poignée de secondes, gardant les yeux rivés sur Joachim, puis frappa dans ses mains, l'air enjoué.

"Oui, c'est quelque chose d'interessant, je me saigne, et tu fais ce que je veux? C'est un contrat interessant, je vais y réfléchir..."

Il se retourna presque immédiatement, observant le manoir qui se dressait tout au bout de l'allée, pensif. Sa réflexion ne dura pas plus de cinq seconde, puisqu'il se mit aussitôt à rire aux éclats, avant de reporter de nouveau toute son attention sur l'homme qui se tenait près de lui.

"C'est parfait pour moi, monsieur le vampire", lacha-t-il, avec une pointe de cynisme dans la voix. "Je suis sûr que nous allons nous entendre!"

Sans plus attendre, il fouilla dans sa veste et en sortit une petite bouteille vide, de couleur sombre -probablement celle dans laquelle il s'était servi de l'absinthe un peu plus tôt-. Il l'attrappa par le goulot et la fracassa contre un arbre avec violence, puis observa les morceaux alors dispersés sur le sol en se baissant. Il en choisit un, après un examen attentif, comme s'il cherchait à prendre tout son temps, puis se releva et s'entailla la paume de la main gauche dans le sens de la largeur.
Un petit filet de sang s'échappa de la coupure ainsi créée, avant de se transformer en plusieurs petits ruisseaux écarlates.
Philip tendit sa main blessée à Joachim.

"Sers-toi! A moins que tu ne préfères trouver un verre avant?", ironisa-t-il en souriant.

Bien qu'il ne l'eut pas montré, Philip attendait avec impatience de voir comment allait réagir le jeune homme devant son acte. S'il plaisantait, alors il serait totalement affolé de le voir se mutiler avec si peu d'hésitations, ou le croirait fou et chercherait à le fuir. La vie était ennuiyeuse, mais avec de la bonne volonté on pouvait toujours la rendre attrayante et pleine de nouveautés, l'expèrience le lui avait appris, parfois à ses dépends.
Voir que Joachim se mettait réellement à lécher sa plaie toute récente le surprit tout de même, lui qui s'imaginait se trouver face à un plaisantin. Quoique, il n'avait pas l'air d'être un adepte de ce genre de plaisanteries douteuses. Un espèce de fascination le poussa à regarder l'expression que faisait le buveur de sang en se penchant légèrement pour mieux voir. Il recula aussi rapidement qu'il s'était approché en voyant l'expression que fit l'homme après s'être 'désaltéré' : une chose était sûre, qu'il soit vampire ou non, il pouvait s'en donner des airs sans même jouer la comédie.
S'emparant d'un mouchoir qui traînait au fond de sa poche, il s'en servit pour recouvrir sa plaie, légèrement douloureuse.

"Ma foi, je ne m'attendais pas à ça", dit-il en se grattant le menton. "Il est vrai que tu possèdes une allure étrange, mais je ne m'étais pas étonné, vu toutes les bizarreries que je vois depuis que je suis ici. Je suppose qu'on a tous sa part d'étrangeté, n'est-ce pas?"

Il se baissa pour attrapper sa canne, appuyée contre le tronc de l'arbre contre lequel il avait brisé sa bouteille, puis s'appuiya dessus avec nonchalance.

"Tu devrais être fier d'avoir ce genre de particularité, ça doit changer de la routine ennuiyeuse, non? Pour moi les choses sont ennuiyeuses parce qu'elles se ressemblent, c'est comme les femmes, toutes les mêmes. Les choses sont vides et sans profondeur, sans intérêt. Il faut un peu de bizarreries pour égayer tout ça, tu ne crois pas? Tu as besoin de sang, moi j'ai besoin d'amusement, ça à l'air différent, mais pour moi s'amuser peut signifier beaucoup de choses..."

A ces mots, il se remit à rire comme un fou, puis cessa enfin et tapota l'épaule de Joachim avec le pommeau de sa canne.

"Vu que tu es venu ici, tu voudrais peut-être entrer au manoir, non? A moins que tu ne préfères rester à l'extèrieur avec un fou?"

Joachim leva légèrement son regard, surpris que sa particularité plaise à quelqu'un. C'était tellement étrange : il avait toujours été rejeté à cause de ça et ce Philip trouvait ça distrayant ?

Il réussit à sourire malgré lui. Et s'il restait avec cet homme ? Peut-être qu'il finirait par faire disparaître toute sombre pensée qui le hantait lorsque la soif le tanait.

"Rester avec un 'fou' me plait largement, si vous êtes ce fou... " fit-il, prenant étrangement de l'assurance. Il avait eu peur de Philip, il ne pouvait pas nier ce fait, mais au final, il commençait à plutôt l'apprécier.

Être albinos était déjà un handicape de taille pour se faire des amis, mais en plus être atteind du syndrôme de Renfield... Là, ça rendait les rencontres impossibles... En tout cas les rencontres amicales...

"Mais, j'aimerai savoir : ce manoir vous appartient-il ? Ou n'êtes-vous qu'un simple invité ? "

*Cet endroit est étrange... J'ai vraiment peur et en même temps je me sens attiré... *

"Pardonnez ma curiosité... Seulement, c'est pas tout les jours que quelqu'un accepte de me donner volontairement du sang... "

Philip explosa de rire en entendant les questions de Joachim. Non pas que les questions soient hilarante ou aient matière à rire, mais la moindre chose semblait capable de le faire rire aux éclats tant il était nerveux, et l'absinthe qu'il venait de consommer n'arrangeait rien.

"Ce manoir? A moi?", demanda-t-il en se pointant du doigt, "Pourquoi donc? Nous possèdons un château en Irlande qui est bien plus grand que cette batisse! Tu peux me considérer comme invité, je suis arrivé ici par hasard il y a à peu près deux mois. C'est le manoir des Harland!"

Il tourna la tête en direction du manoir qui se dressait au bout de l'allée, hocha doucement la tête, comme perdu dans ses pensées de nouveau, puis reporta encore son attention sur Joachim.

"La curiosité est un vilain défaut, elle peut parfois nous entraîner dans des choses affolantes... mais si excitantes! On parle d'affreux défaut, mais je préfère dire 'merveilleux vice'. Sans la curiosité je ne serais pas ici, moi non plus! D'ailleurs... 'volontairement'? Est-ce que ça veut dire que tu te sers de force, habituellement? C'est sûrement plus amusant que de venir se servir sur quelqu'un qui est consentant, non? C'est comme de violer quelqu'un, c'est plus amusant qu'attendre qu'on nous donne l'accord, tu ne crois pas?"

Nouvel éclat de rire.

"Si l'homme nait avec le pouvoir de tuer, c'est qu'il a le droit de le faire! Les lois et les conventions sont justes établies pour nous empêcher de jouir de la vie et de nos droits légitimes, pour nous rendre manipulables. Tu es né avec ta faim de sang? Donc tu as le droit de te servir librement, et ceux qui s'opposent à tes droits devraient tous mourir! C'est comme ça que je fonctionne, moi."

Joachim ne sut quoi répondre à ce que venait de lui dire Philip. Il n'aimait pas tuer, cela lui faisait tellement mal... et pourtant c'était un mal nécessaire. Sans sang, il ne pouvait plus respirer.

Il avait déjà essayé de s'en priver, mais le résultat avait été des plus effrayants. Il se rappelait encore du massacre qu'il avait fait ce soir-là, de l'odeur du sang qui maculait sa peau d'habitude si blanche et des gémissements des mourants autour de lui.

Il ne voulait plus jamais se retrouver dans cette situation...

Non, plus jamais...

"Je ne trouve pas ça amusant de forcer quelqu'un... " souffla-t-il, le regard bas.

"Je sais, je dois vous paraître misérable, mais je déteste prendre de force quelque chose... Je suis un monstre horrible qui mérite la mort, mais sâchez que je ne me réjouis pas de la mort de mes victimes... quelles soient humaines ou animales... "

Il releva les yeux vers l'autre homme, un léger sourire aux lèvres.

"C'est pourquoi j'espère qu'un jour quelqu'un me tuera... car je n'y arrive pas seul... "

(j'écris nawak ^^;; j'suis pas inspiré today)

Philip se contenta d'un sourire amusé en entendant tout ce que disait le jeune homme. Un monstre? Lui aurait profité sans vergogne d'un 'don' pareil, quitte à semer la terreur parmis la population. Il fallait égayer sa vie de la manière la plus excitante que celà soit possible, à la place de Joachim il aurait sûrement fait les pires méfaits, uniquement pour s'amuser.

"Tu n'arrives pas à tuer? Pourtant c'est tout simple: une petite coupure au bon endroit, et ta vie s'envole! Tu peux aussi recourir à d'autres moyens, comme par exemple une chûte, une noyade... ou même demander à un autre de te tuer! Mais je veux bien concevoir qu'il n'y a surement pas des masses de personnes qui accepteraient de tuer un homme de sang froid. Même moi ça ne m'amuserait pas, tu es trop résigné pour que je prenne du plaisir à te tuer, après tout. J'avoue avoir eu l'idée qui m'a traversé l'esprit, mais il est plus jouissif d'arracher la vie à quelqu'un qui aime son existence, n'est-ce pas?"

L'Irlandais se mit les mains sur la tête, comme en proie à une migraine, puis reprit, moins calmement:

"Si tu ne tues pas, c'est les autres qui vont te tuer, parce qu'ils te détèstent et que tu es une gêne à leur existence. Si tu voulais vraiment mourir tu serais déjà mort depuis longtemps... Oh, je suis désolé, mais ça n'est plus mon tour, je converserais avec toi un peu plus tard!"

Joachim cligna des yeux d'incompréhension. Plus son tour ? De quoi parlait-il ?

Il dévisagea longuement Philip. Ses derniers mots l'avait plus que supris, au point d'attiser sa curiosité. Allait-il partir ou bien... avait-il plusieurs personnalités ?

Il resta cependant à bonne distance de l'autre homme, ne sâchant pas du tout à quoi s'attendre. S'il s'agissait d'une autre personnalité qui l'attendait, il devait se méfier. Il pouvait tomber sur quelqu'un de doux comme il pouvait tomber sur quelqu'un de plus dangereux encore que ce qu'il avait vu pour l'instant. La prudence était donc de mise.

*Pourquoi je me méfie comme ça ? Quelle importance s'il me tue ? Je veux mourir... Je hais cette vie de 'vampire' que je mène... *

Sur cette pensée des plus sombres, il se rapprocha. Rien ne lui importait. Qu'il vive, qu'il soit blessé ou qu'il meurt brusquement, cela lui était totalement égal. Du moment qu'il n'était plus obligé de tuer.

*Philip peut me faire ce qu'il veut, du moment que je n'ai plus jamais à tuer de toute ma vie... *

Oui, c'était là tout ce qui comptait à ses yeux. Juste ne plus tuer... Obtenir le sang sans jamais mettre un terme à la vie de qui que ce soit...

Etait-ce vraiment trop demander ?

La transition se faisait toujours rapidement entre les différentes personnalités de Philip, souvent il n'y en avait même aucune, ce qui rendait parfois ses conversations dures à suivre, quand il alternait l'une avec l'autre sans s'arrêter. Le Philip qui était présent à ce moment-là avait pu rester un moment sans que les autres ne viennent l'importuner, et il s'en était presque étonné. A tort, bien sûr.

Il baissa les mains, regarda sa main blessée et poussa un cri de surprise.

"Je suis blessé!"

Le jeune homme s'empara de sa canne et la lança, presque par réflexe, vers Joachim. Pas assez fort et trop bas pour lui faire réellement mal, mais ça le défoulait de balancer ce qu'il pouvait sur les gens.
C'était Philip l'enfant, et la petite douleur qu'il ressentait dans le creux de sa main lui avait fait prendre conscience qu'il était blessé, ne supportant pas la vue de son propre sang -à défaut de ne pas supporter celui des autres.

"Tu m'as blessé! Monstre, regarde ce que t'as fait!", hurla-t-il en agitant ensuite la blessure sanguinolente sous le nez de l'albinos.

Ses yeux étaient emplis de larmes, et il semblait à deux doigts de se mettre à pleurer comme un enfant. L'oeil gauche à l'allure anormale ne lachait pas Joachim, et son visage semblait à la fois exprimer terreur et colère.

Joachim paniqua lorsque Philip se mit à lui crier après. Que lui prenait-il soudainement ? Il s'était fait lui-même cette coupure ! Il n'y était pour rien !

"Du... du calme... " balbutia-t-il en reculant légèrement. "Tu t'es blessé tout seul... Je n'ai rien fait... "

Il savait que l'autre ne le croirait certainement pas, mais il devait tenter de le calmer, d'une façon ou d'une autre. Il avait vraiment l'impression étrange d'être en face d'un enfant à présent.

Un enfant effrayé et en colère...

D'ailleurs, il était passé sans s'en rendre compte du vouvoiement au tutoiement. Comme si cela était naturel.

*Monstre ? Ca oui, j'en suis un... Je le sais... Mais pourquoi ça me fait si mal ? *

Il resta silencieux, attendant que Philip se calme de lui-même. Que pouvait-il faire de toute façon ? Rien... Il avait sûrement trop peur de lui pour qu'il essaye de l'apaiser en le prenant dans ses bras.

Philip pressa la blessure qu'il avait à la main gauche de sa main libre, afin d'empêcher le sang de ruisseler encore. Il écouta à moitié ce que lui dit Joachim, sur le coup bien trop préoccupé par sa petite personne pour réagir réellement. Il était blessé, et rien de pire ne pouvait arriver en cet univers, c'était ainsi et il avait tendance à se considérer comme le centre du monde.
Il s'asseya contre un arbre et se mit à sangloter, les mains sur le visage, pareil à un enfant perdu.

Il resta un instant à se lamenter sur son sort, maudissant mille fois tout ce qui pouvait être maudit et marmonnant toutes sortes d'insultes impossible à citer ici à l'encontre du monde entier qui s'acharnait sur lui, puis cessa enfin de pleurer et leva la tête pour voir Joachim.

"Tu ressembles à un vampire", dit-il à voix basse, presque dans un murmure, en se reculant encore un peu contre le tronc de l'arbre.

Il ne savait pas pourquoi il se trouvait dehors, mais la perspective de se retrouver seul avec un inconnu l'effrayait. Quoique, qu'est-ce qui était plus effrayant? Se retrouver ici avec cet homme ou rester à l'intèrieur du manoir, avec tous les dangers que ça impliquait?

Philip manqua de se relever quand il vit l'autre s'approcher de lui, mais la peur le fit se replier d'avantage sur lui-même, ce qui fit qu'il ne s'échappa pas. Il était toujours terrifié à l'idée de se retrouver avec quelqu'un qu'il ne connaissait pas, d'autant qu'il ne cherchait à connaître personne, par peur. Après tout ils étaient tous malades dans le manoir Harland, et l'idée de devoir faire connaissance avec ces fous le mettait mal à l'aise.
Il serait sûrement partit en courant s'il en avait eu le courage, mais la terreur le faisait d'avantage ressembler à un petit animal terrifié qu'à l'homme plein d'assurance qu'il était juste avant.

Il tressaillit légèrement en sentant la main dans ses cheveux. Le contact 'nétait pas désagréable, mais il avait si peur qu'il craignait que les caresses se changent en coups ou en nouvelles blessures aussitôt après. Il tremblait de tous ses membres, devenu maintenant silencieux, les larmes aux yeux.

"Me fais pas mal, me fais pas mal, me fais pas mal...", se mit-il alors à répéter doucement, si doucement que sa voix ressemblait d'avantage à un souffle qu'à de véritables sons.

"Chuuut, calme-toi, je ne te ferai aucun mal... Je te le promets... " fit Joachim d'une voix calme et rassurante. "Tu n'as pas à avoir peur de moi... "

Il resserra légèrement son étreinte autour de l'autre jeune homme en commençant à le bercer doucement, toujours sans faire de geste brusque.

*Cet homme est tellement étrange... Tout à l'heure il était si sûr de lui et maintenant... je ne comprends pas... Que se passe-t-il ? *

"Allez, calme-toi... Tout va bien... "

Il prit la main blessée dans la sienne après avoir sorti un mouchoir propre. Il noua le tissu, s'en servant en guise de pansement puis sourit légèrement à Philip.

"Ca cicatrisera vite, ne t'en fait pas... " murmura-t-il, reprenant l'autre jeune homme contre lui.
*Bon, faisons le point : tout à l'heure, j'avais envie de fuire et maintenant je le caline... Je ne comprends plus riiiiien.... *

Philip se tut en entendant de nouveau Joachim parler. Il voulait le rassurer, mais pourquoi? est-ce que ça lui apporter quelque chose de le rassurer? Après tout personne ne l'avait jamais rassuré depuis qu'il était au manoir Harland, et il ne pensait pas que ça risquait d'arriver du jour au lendemain.
D'ailleurs, depuis qu'il était au manoir, personne ne l'avait traité comme ce qu'il était, un enfant. Bien sûr, comme il avait un corps adulte, on le considérait comme un adulte, et on le disait totalement fou quand il prétendait être un gamin. Il les haïssait, tous ceux qui lui racontaient ces mensonges, il aurait voulu qu'ils meurent tous. C'est pour ça qu'il les fuiyait, parce qu'il ne voulait pas entendre leurs mensonges qui le blessaient, parce qu'ils étaient mauvais, et que les mauvais pouvaient lui faire du mal.
Mais là, si cet homme le soignait, c'est peut-être qu'il ne lui voulait pas de mal, au fond. Après tout, il était seul et sans projectiles, pas de témoins, il aurait pu faire de lui ce qu'il voulait. Après tout, Philip lui-même avait déjà profité du manque de témoins pour faire du mal à d'autres... enfin, pas ce Philip-là, sans doute.

"T'es un gentil vampire", déclara-t-il enfin, sa voix adulte contrastant étrangement avec le comportement puéril qu'il adoptait."Les gens dans le manoir, ils sont méchants, tu sais? Ils me racontent plein de mensonges, ils me font peur... Tu fais pas comme eux, c'est bien, parce que sinon j'aurai dû t'arracher les yeux, t'sais?"

Il posa sa tête sur l'épaule de Joachim et continua, plus doucement cette-fois:

"Les gens d'ici ils sont fous. Si t'y vas tu vas perdre la tête aussi... fais attention, hein? Ils sont dingues, ils disent que j'suis adulte. Mais je sais que c'est pour me faire peur qu'ils disent ça, ils veulent que j'devienne fou aussi, mais ça marche pas, hein!"

Joachim comprit alors le problème de Philip. Plusieurs personnalités, certes, mais elles semblaient correspondre à des périodes de sa vie. Et là il était en face de l'enfant. Il lui sourit gentiment, comme l'aurait fait sa tante Daisy, et lui ébourrifa les cheveux.

"Ne les écoute pas, tu n'es pas fou... Tu es un très gentil garçon et je t'aime beaucoup... Ne t'inquiète pas, je ne perdrai pas la tête comme les autres... "

Il le garda dans ses bras, continuant à le bercer comme le petit garçon qu'il était à cet instant. Il ne voulait pas que Philip le déteste. Il avait déjà assez d'ennemis comme ça dans sa vie.

"Ne les écoute plus... ils te mentent... Ce sont des imbéciles juste bons à faire du mal... "

Il embrassa l'autre jeune homme sur le front.

"Ne t'en fais pas, je ne suis pas comme eux... Je te le promets... "

Philip écoutait attentivement chaque mot qui sortait de la bouche de Joachim. Il était rare qu'il se décide à écouter quelqu'un, étant donné qu'il se contentait de fuir en courant ou de se cacher dès qu'il se retrouvait confronté à une personne quelquonque. Là il n'avait pas pu fuir, mais était-ce réellement un mal? Pour la première fois depuis son arrivée au manoir, il se sentait bien. Il trouvait presque ça étrange : les autres avaient sûrement des moments de joie, mais pas lui.

Il fut comblé de voir que l'homme partageait son avis sur ceux qu'il appelait les menteurs, et ne put retenir un léger sourire. Joachim le tutoyait et le traitait comme un enfant, alors que tous les autres jusque-là s'étaient contentés de lui dire de cesser de pleurer parce qu'il n'était plus un gosse, d'agir en adulte... Le genre de choses qu'il haïssait.
Et là, cet homme qu'il ne connaissait ni d'adam ni d'eve lui faisait une promesse et l'embrassait comme s'il était une connaissance.

"T'es bizarre", finit-il par lacher. "Mais t'es pas méchant, hein! Bizarre mais pas méchant. J'avais peur parce qu'on me tapait avant, à cause des yeux, j'étais bizarre aussi. T'sais, comme ils sont vairons, les gens disent que c'est un mauvais présage, ça porte malheur. Toi aussi t'as eu des problèmes non? Parce que t'es bizarre!"

Joachim acquiesça lentement. Oui, lui aussi avait souvent subi bon nombre de chose à cause de ses yeux rouges et de ses cheveux blancs. Il ne comptait plus le nombre de personnes qui l'avaient insulté ou frappé à cause de ses particularités physiques. Sans compter les amis qui l'avaient fui en voyant ses canines plus développées que la normale.

"Oui, je suis bizarre... Je le sais... " murmura-t-il tristement. "Et j'ai eu beaucoup de problèmes parce que je suis albinos et que... mes canines sont plus grosses qu'elles ne le devraient... "

Il soupira doucement.

"Moi-même ça me fait peur quand je me regarde dans le miroir, tu sais ? Et puis... j'ai ce problème de dépendance au sang... "

Il essuya la larme qui roulait sur sa joue. Il n'allait pas pleurer, pas devant le Philip enfant.

"Excuse-moi, je ne voulais pas t'embêter avec mes histoires... " fit-il, un sourire forcé aux lèvres. "Parle-moi un peu de toi... "

Philip resta silencieux un instant avant de se décider à répondre. Parler de lui? C'était une question étrange, il n'avait pas pour habitude de raconter des masses de choses à son sujet. Quoi dire? Il ne savait pas vraiment, la question le prenait de court.

"Que je parle de moi?", répeta-t-il en faisant une moue étrange. "Pourquoi? J'ai rien d'interessant à dire, t'sais?"

Il parut réfléchir un peu. Que diraient les autres à sa place? Peut-être qu'ils ne diraient rien, tout simplement, ou alors l'adulte l'ignorerait et l'adolescent lui raconterait ses ébats amoureux, avant de se mettre à boire comme un trou ce qu'il lui restait d'absinthe. Alors lui, qui parlait si peu souvent, qu'est-ce qu'il aurait bien à raconter? Peut-être que si il ne disait rien, alors Joachim serait déçu?
Il choisit de dire ce qui lui passait par la tête, simplement, afin de ne pas le vexer.

"J'suis ici depuis deux mois. Il pleuvait alors on a voulu s'abriter ici! Mais en faît depuis on peut plus sortir, j'ai essayé de passer la grille, j'y arrive plus... c'est comme si on était prisonnier, ça me fait peur, alors j'arrête pas de fuir les gens d'ici... ils me font tous peur... Je peux pas sortir, je suis prisonnier, ils vont me tuer, j'en suis sûr! Ils vont me tuer parce que je ne suis pas fou comme eux!"

Il poussa un nouveau sanglot et se remit à pleurer. Ca n'était peut-être pas une bonne idée de parler de ça, en fin de compte, maintenant il se sentait encore plus mal qu'avant.

Joachim se mordit nerveusement la lèvre inférieure. Il avait gagné ! Philip pleurait.

Il reprit ses légères caresses, tentant de l'apaiser. Il lui murmura, doucement, au creu de l'oreille :

"Ne t'inquiète pas... Personne ne te fera de mal... Je te protégerai... "

Il n'aimait pas recourir à la violence, c'était vrai, mais si c'était pour protéger Philip -du moins sa partie enfant- il irait jusqu'à tuer. Il resserra légèrement ses bras autour de l'autre jeune homme, un sourire étrange aux lèvres. La vie était si facile à briser. Ceux qui osaient faire du mal à son 'protéger' allaient bientôt le comprendre.

"Ecoute, je vais rester avec toi maintenant, ok ? Le premier qui t'embête, je lui arrache les yeux... "

Il était sincère en disant ça. Il était réellement prêt à aller jusque là pour protéger Philip. Parce qu'il s'était attaché à lui, aussi bien à celui qui lui avait fait passer la grille que celui qu'il avait à présent dans les bras.