Une... chambre prête ?

[--> Le grand hall]

Joachim suivit donc sans un mot Philip, bien trop intrigué par cet étrange manoir. Comment les habitiants faisaient-ils pour amener à eux des inconnus ? Et surtout, pourquoi faisaient-ils cela ?

Il sursauta légèrement, tiré de ses pensées lorsque l'autre jeune homme s'arrêta devant une porte. L'albinos leva son regard grenat vers elle et écarquilla les yeux. Son nom était bel et bien inscrit sur cette porte !

*La Bête ? C'est... charmant.... * pensa-t-il avec une grimace.

Il y avait un tableau sur cette porte représentant la Bête du conte la Belle et la Bête. Elle était réellement effrayante avec ses longues cornes tordues noires, sa peau écailleuse et blanche et ses yeux aussi rouges que le sang. Joachim fonça les sourcils. Une Bête albinos aux dents acérées couverte de sang... comme lui. Il leva une main tremblante, caressant du bout des doigts le tableau. La créature cauchemardesque semblait grande s'il se référait au décor dans lequel elle avait été placée. Et un détail attira son attention : un violon, reposant sur un fauteuil. Il s'approcha du tableau, réellement choqué par cette partie de l'oeuvre. Ce violon qui était peint tout au fond... c'était le sien ! Et maintenant qu'il y regardait plus attentivement, le décor n'était autre que sa chambre !

*Alors cette Bête, c'est... moi ? *

"C'est terrifiant... " murmura-t-il, incapable d'en décrocher son regard.

Il se décida, après une longue hésitation à pousser la porte de cette chambre. Le tableau l'avait déjà plus que mis mal à l'aise et il n'osait pas imaginer ce qui l'attendait à l'intérieur...

Il arriva alors dans une chambre plutôt accueillante, ce qui contrastait grandement avec le tableau de la porte d'entrée. Les meubles étaient peu nombreux, comme chez lui et se limitaient à un lit à l'air bien confortable couvert de draps rouges, d'une petite table de chevet où reposait un livre de Shakespeare -qu'il se retint de prendre pour vérifier s'il y trouverait la tache de sang au beau milieu de Hamlet-, une chaise posée devant un petit bureau où était entassé de la paperasse -des partitions, se rendit-il compte en approchant légèrement-, une armoire certainement remplie de ses propres vêtements et une étagère assez simple sur laquelle se trouvait sa collection de livres, majoritairement des pièces de théâtres.

Joachim fit quelques pas en direction du lit et s'agenouilla, plongeant une main dessous. Il attrapa quelque chose qu'il s'empressa de retirer. Un étui de violon reposait à présent entre ses mains tremblantes alors qu'il ne pouvait empêcher ses larmes de couler.

"Je ne comprends pas... Comment ont-ils fait ça ? "

Il posa délicatement l'objet sur les draps puis se tourna vers Philip, un sourire triste aux lèvres :

"Tu sais quoi, je les déteste aussi... " murmura-t-il avec amertume. "Ils ont osé se moquer de moi... ce tableau à l'entrée me représente... Je les hais ! Je les haiiiiis ! " cria-t-il au bord de l'hystérie avant d'éclater en sanglots, se mordant la lèvre inférieures jusqu'au sang pour les étouffer. Mais ses tremblements et ses larmes ne cessèrent pas pour autant.

Philip avait noté avec intérêt le tableau qui venait décorer la porte de la -future- chambre de Joachim. Il avait déjà fait le tour des chambres pour observer quels étaient les contes représentés peu après son arrivée, lui-même avait hérité du Rumpelstiltskin. Il ignorait pourquoi, ne trouvant pas de rapport entre un petit démon cachant son véritable nom pour tourmenter les hommes et lui-même. Peut-être le sens était moins obscur pour les autres O'Grey, lui en tout cas avait fini par abandonner tout espoir de compréhension à ce sujet. Il ne put cependant s'empêcher de faire le rapprochement entre la bête et Joachim : il avait plutôt imaginé la bête comme une créature semblable à une sorte de diable, recouverte de poils noirs comme la nuit, or celle-ci présentait sur ce tableau quelques troubantes similitudes avec certains aspects propres à l'albinos.

Le jeune homme eut l'air assez surpris de le voir ensuite entrer et venir s'emparer d'un violon glissé sous le lit comme s'il savait déjà que l'objet se trouvait là. Les autres auraient conclut que Joachim connaissait la disposition de la chambre et de tout ce qui s'y trouvait, mais ce Philip-là déduit que ce dernier devait avoir un don qu'il ignorait pour deviner certaines choses.
Occupé ensuite à observer l'organisation de la pièce avec sa curiosité naturelle, il ne put retenir un cri de surprise en entendant le nouveau propriétaire de la chambre se mettre à hurler.
Tout le calme qu'il avait réussit à accumuler jusque-là venait d'être balayé en un instant. Il ne comprenait pas pourquoi Joachim pleurait, sur le coup. A cause de la chambre? Si c'était le cas, ça ne pouvait être que sa faute : c'est lui qui lui avait parlé des chambres, et qui l'y avait guidé. Il n'aurait rien dû faire, ça aurait été beaucoup mieux pour tout le monde. Simplement se taire et se cacher, comme il le faisait si bien d'habitude, c'était après tout ce qu'il faisait de mieux, pourquoi avait-il l'espace d'un instant espéré qu'il puisse aider quelqu'un?

Philip eut un léger hoquet, comme s'il était sur le bord de fondre en larmes. Son corps tressautait à intervalles réguliers, s'accèlerant de plus en plus, comme il n'arrivait pas à se calmer.

"Je suis désolé... désolé... désolé...", dit-il d'une vois faible, en reculant jusqu'à se retrouver dos au mur. "C'est ma faute, j'suis désolé... t'énèrves pas, d'accord? J'aurai pas dû parler des chambres... j'aurai pas dû..."

Il avait baissé les yeux, comme s'il craignait le regard de Joachim. Il était redevenu l'être farouche au regard fuiyant qu'il avait été avant de reprendre un minimum de confiance.

Joachim leva son regard ruisselant de larmes vers Philip. Pourquoi s'excusait-il ? Ce n'était pas de sa faute...

"Non, non, ce n'est pas après toi que j'en ai, calme-toi... Toi tu es mon seul ami... Non, ces après ces fous qui t'on fait du mal et à présent m'en font que j'en ai... "

Lentement, l'albinos s'approcha du jeune homme pour le prendre contre lui, en douceur, sans gestes brusques. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il croyait bien faire... et ce n'était pas lui qui avait préparé cette chambre. Alors il n'avait absolument rien à se reprocher.

Cependant, Joachim avait réellement besoin de prendre l'air quelques instants. Il soupira doucement, s'excusa aimablement auprès de Philip puis le lâcha, toujours sans gestes brusques. Il se dirigea vers la porte de la chambre, le violon en mains, puis quitta la chambre. Avant de partir, il murmura à l'adresse de son ami :

"Je reviendrai dès que je serai calmé... j'ai besoin de respirer... "

Il fit quelques pas calmes, sentant les larmes lui bruler les yeux puis il s'enfuit, purement et simplement, en pleurant. Il devait sortir de cet endroit maudit et vite !!!

[--> Lac]

[--> Lac]

Joachim avait guidé Amour jusqu'à sa chambre. Il se demandait vraiment si Philip était toujours là et surtout espérait que ce dernier n'allait pas lui en vouloir. Il frappa à la porte, se sentant quelque peu ridicule de frapper à sa propre chambre, puis entra suivi de Rakastaa.

"Voilà c'est ma chambre... "

Il jeta un coup d'oeil alentour et sourit légèrement. Philip était toujours là et il piquait un roupillon dans son lit.

*Vraiment adorable... * pensa-t-il en s'approchant de l'endormi. Il s'assit sur le bord du lit pui fit signe à Amour de s'installer où il le voulait.

"Faites comme chez vous... Mettez-vous à l'aise... "

Il passa affectueusement une main dans les cheveux de l'homme qui était allongé non loin, un petit sourire aux lèvres. Il s'en voulait tellement de l'avoir abandonné si vite...

"Je suis désolé, Philip... " mumura-t-il à l'endormi avant de déposer un léger baiser sur sa joue.

Il se tourna alors vers Rakastaa et lui adressa son plus beau sourire.

"Pour en revenir à ce que vous avez dit lorsque nous avons quitté le lac, vous êtes... maudit ou quelque chose du genre ? " s'enquit le plus jeune des albinos, réellement intrigué.

[ ---> Lac.]

Amour entra dans la chambre. la bête? Tiens, c'était un étrange, ça lui disait quelque chose, lui rappelant un vieux conte, mais si vaguement qu'il ne parvenait pas à vraiment se rememorer l'histoire exacte. Il n'avait pour ainsi dire que les grandes lignes. Et encore! Il observa le jeune homme endormi dans le lit. Qui était-il? " Amour" se le demandait bien, mais au fond, un nom, comme il l'avait déjà dit, ça n'avait aucune importance... Un ami de Joachim? Cela lui suffisait...

Il obéit au jeune homme, et observa la pièce attenttivement. Malgré sa mémoire en grande partie perdue, il n'avait pas perdu certaines habitudes de majordome qui consistaient à connaître les gens à travers la façon dont il disposer leur objet, le choix de ceci, leur façon de bouger... Il se tourna à la question du jeune homme, avec une mélancolie étrange pour son ton indifférent.

" Oui... On peut dire ça... Disons que je n'existe que la nuit, lorsque la lune est claire... Avant, je n'était là que pendant la pleine lune, mais ce manoir me permet étrangement de revenir plus souvent... le reste du temps, je ne vaut pas mieux qu'un spectre... Mais de toutes façons, sans elle, c'est ce que je suis non? Nous sommes tous les deux maudits, Joachim, chacun à notre manière, comme tous les autres, plus ou moins... Au fond, cela n'a même plus vraiment d'importance..."

Il lui adressa un léger sourire avant d'aller à son tour sur le lit, effleurant le visage du jeune homme de ses longs ongles.

" Qui est-ce?"

Demanda t-il plus pour connaitre ses relations avec Joachim que pour savoir son nom, et aussi peut-être par simple politesse. Ce garçon lui paraissait étrange au premier abord.

"Il se nomme Philip O'Grey... " répondit Joachim en s'approchant un peu de Rakastaa, un léger sourire aux lèvres.

"Il est mon premier ami ici et j'espère pouvoir vous considérer vous aussi comme un ami. " fit-il avant de déposer un rapide baiser sur la joue d'Amour et de se lever, allant vers sa fenêtre. Il tira les rideaux pour voir dehors et soupira longuement. Il avait vue sur une librairie, comme chez lui. Bon, ce n'était pas la même boutique, mais quand même, ça le mettait mal à l'aise...

*A croire qu'ils se sont amusés à reproduire le moindre détail de ma vie pour me déstabiliser davantage... Je me demande à quoi ressemble les propriétaires de ce manoir... ceux qui nous ont fait venir ici... *

"Depuis combien de temps prévoyaient-ils ma venue ? " se demanda-t-il sans quitter la librairie du regard.

"Tout a vraiment été préparé avec un soin effrayant... jusqu'à la vue depuis la fenêtre de la chambre... "

Il baissa son regard, serrant le poing.

"Qui qu'ils soient, je les déteste vraiment ! "

[Edit Lounia : tss tss, on parle pas comme ça des Harland, ça pourrait vous porter malheur... ]

Philip ne parut pas réagir au bruit que firent les hommes en entrant dans la pièce. Il n'avait pas réellement le sommeil lourd, mais s'était endormi assez profondément pour que des voix ne suffisent pas à le réveiller. Il faut dire qu'il enchaînait les nuits blanches, depuis un certain temps. Le manoir Harland était un lieu dans lequel personne ne pouvait réellement se sentir à l'aise, et il n'y faisait pas exception, aussi fou qu'il puisse être devenu.
Un léger marmonnement s'échappa d'entre ses lèvres quand il sentit un premier contact sur sa joue, mais il ne réagit pas plus, et sa respiration se stabilisa de nouveau.
Rêvait-il?
Depuis longtemps, il avait oublié ce qu'était un rêve. Seul le premier des trois O'Grey rêvait encore, peut-être parce qu'il était "l'original", celui duquel les autres étaient apparus.

Le jeune homme fronça légèrement les sourcils en sentant à nouveau qu'on le touchait, puis ouvrit enfin les yeux, émergeant lentement de son sommeil.
Il regarda alternativement Joachim et cet autre homme qu'il ne connaissait pas, l'air distant, puis poussa un cri de surprise et descendit du lit aussitôt, manquant de tomber à terre à cause de son empressement.

"Me touchez pas", s'écria-t-il en reculant jusqu'à se retrouver dos au mur.

Il reconnaissait Joachim, bien sûr, mais le faît de voir qu'il avait amené quelqu'un à son insu aussi près de lui l'effrayait grandement. On n'était jamais sûr de rien, dans cet endroit maudit qu'était le manoir, et il en avait déjà fait les frais à plusieurs reprises.
Ses yeux étaient emplis de larmes, et il tremblait de tout ses membres.

Joachim fut réellement surpris du comportement de Philip puis comprit rapidement en voyant qu'il regardait Amour. Sans attendre, il s'approcha du jeune homme effrayé pour le prendre doucement dans ses bras.

"N'aies pas peur, s'il te plaît... Calme-toi... Rakastaa n'est pas méchant... Il ne re fera rien... Aies confiance en moi, je t'en prie... "

Il voulait le rassurer, mais il n'était pas vraiment doué. Il fallait dire qu'il n'avait pas l'habitude d'avoir des gens à ses côtés et encore moins d'y tenir. Mais il ne voulait pas perdre Philip, alors il allait tout faire pour le calmer, le mettre en confiance et lui prouver que l'autre albinos n'était pas là pour lui faire du mal.

"Allez, calme-toi... " continua-t-il en caressant lentement les cheveux du jeune homme dans ses bras pour tenter de l'apaiser.

*Quel idiot je fais... j'aurai dû savoir que ça poserait problème... *