Petite description

Ouvrez la porte ornée de la plaque [Rose-Rouge] et vous découvrirez une coquette petite chambre. Les fenêtres comportent en leur centre des vitraux représentant des roses bien évidemment rouge, répandant des filets carmin dans la pièce. Les murs, du plafond au centre, sont d’un blanc crémeux, complété par une moulure de bois dans laquelle furent gravé des motifs de ronces. Un lit baldaquin, aux draps bourgognes, se situe entre les deux fenêtres à l’ombre de la lumière. Une table de nuit se trouve du côté droit du lit. Des chandeliers, dont les bases fixées aux murs, imitent habilement des tiges de rosier s’entremêlant pour venir formé un socle dans laquelle repose des chandelles rouges. Face au lit, deux portes de chêne, dont les poignés représentent des boutons de roses, se referment sur une penderie dans laquelle repose des vêtements d’un blanc nacré de style victorien. Une autre porte au mur droit donne sur une petite salle de bain de marbre blanc. Elle comporte une baignoire, une toilette ainsi qu’un évier au dessus de laquelle est suspendu une pharmacie. Une bibliothèque comportant divers ouvrages avoisine un petit bureau sur lequel repose un chandelier somme toute très simple. Une chaise confortablement rembourrée est tirée sous le meuble de travail. Le plancher entièrement recouvert d’un tapis finalise la décoration de la chambre, ajoutant une allure chaleureuse et accueillante.

Le soir de son arrivée [suite de la salle à manger]


Le grand Christobal tenait habilement entre ses bras bien batis le corps frêle et maladif de Kyne. Sa tête blonde reposait sur son épaule tandis que le regard froid et fier de Blackstone parcourait les écriteaux des portes au fil des nombreux couloirs des chambres. Il voyait le nom de personnes qu'il connaissait déjà, d'autres qu'il n'avait jamais vraiment approché. Au bout de quelques minutes de recherche, il tomba sur la chambre de Kyne.

** Rose rouge... Comme c'est mignon...**

Ses lèvres neutres ne se tirèrent pas une seul fois, son visage pâle resta de marbre. Comme toujours.
Il tourna la poignée en bouton de rose et entra dans la pièce.
La décoration avait tout pour rappeler la fleur qu'elle avait pour emblème. Tout était charmant, propre, neuf...
Une nouvelle fois, la énième depuis qu'il était arrivé dans le manoir Harland, il se dit que les esprits calculateurs et mesquins présents dans cette bâtisse étaient vraiment des psychopates. M'enfin...

Il allongea tout doucement son colis sur le lit, faisant pendre ses jambes sur le bord du matelas. Il s'agenouilla et retira doucement les chaussures trempées du malade. Il fit de même avec ses chaussettes puis se redressa pour lui enlever son pantalon. Il fit tout cela avec délicatesse pour ne pas réveiller celui qui dormait. Mieux valait qu'il se repose avant d'affronter la dure réalité de plein front.

Il se surprit à contempler le corps jeune et finement musclé de Wrath avant de détourner son regard. Il avait quel âge ?

** 17 ? 18 ans ? **

Ne restait plus sur le blondinet que son boxer humide. Il lui laissa mais enleva la couverture toujours enroulée autour de ses épaules puis le glissa sous les draps. Il plia tous les vêtements avec maniaquerie et les déposa sur une chaise présente.
Il marcha doucement jusqu'au lit pour observer le visage de l'endormi. Il était mignon ce gosse...

Ses sourcils se froncèrent encore plus... Ses cheveux étaient tout emmêlés ! >___<

Perfectionniste comme il l'était, Blackstone ne supporta pas se détail et choppa un peigne qui se trouvait dans la salle de bain. Il le glissa deux ou trois fois dans les cheveux blonds puis alla le reposer.

** Mouais bon... **

Que faire maintenant ? Attendre ici qu'il se réveille pour qu'il ne soit perdu ou aller se coucher ? Il pencha d'abord pour la première option mais un sursaut de fierté le fit se resaisir et il quitta la pièce pour rejoindre sa chambre.

Trois heures passèrent durant lesquelles le garçon dormait profondément. La chaleur et le confort de son lit lui procurèrent le plus grand des biens. Hélas, sa fièvre ne cédait pas. Il se réveilla finalement.

Kyne entrouvrit faiblement les yeux. Un décor inconnu s’offrait à lui, mais il n’y prêta pas attention. Chaque battement de cœur lui martelait le crâne d’une manière pénible. Sa migraine quotidienne refaisait surface plus douloureuse et plus forte encore. Le blond se redressa puis ramenant ses jambes contre lui, se prit la tête à deux mains. La souffrance le rendrait fou un jour. Dans un état second, il tâtonna la table de chevet où reposait habituellement sa bouteille de médicament : vide. C’est à ce moment que le jeune homme se souvint : l’orage, le manoir, Christobal…où était-il justement? Creusant dans sa mémoire, Routel se rappela vaguement s’être effondré.

**il m’a probablement transporter ici**

Déduit-il. Cette constatation des plus logique se tenait debout, mais le moment n’était pas à la déduction. Il devait soulager son mal et cela ne dépendait que de ses pilules. Heureusement, le jeune en trimbalait toujours dans son sac, s’imposait alors la question : où l’avait-il laissé?

"La salle à manger…"

Oui, lorsqu’il avait retiré sa chemise, il l’avait déposé à côté de sa chaise.

Kyne posa le pied au sol puis se leva. Il découvrit son pantalon impeccablement plié sur une chaise. Cependant, quand il le prit, celui-ci lui parut encore humide. Se maintenant la tête d’une main, il fouilla la pièce du regard. Ses yeux s’arrêtèrent sur la penderie dont il ouvrit vivement les portes. Des habits d’un blanc nacré reposaient sur des supports. Deux paires de chaussures s’alignaient devant lui. Il saisit donc un vêtement au hasard puis les souliers pour refermer ensuite les portes.

Le costume lui convenait à la perfection, comme s’il lui était spécialement destiné. Cependant, ça faisait très 18ième siècle ou victorien comme disait certain. Le blond s’en moquait bien, tout en ce lieu sortait de l’ordinaire, alors ces habits hors du commun ne dérangeaient en rien.

Le garçon entreprit donc de sortir de la chambre, à la recherche de son sac, mais il eut un malaise et dut s’accroupir un instant. La main toujours sur le front, il leva les yeux vers la porte. Celle-ci semblait posséder trois poignées désormais.

**je devrais peut-être attendre…**

Mais la douleur revint, fulgurante. Persuadé par cet argument de taille, il tourna donc la poigné.

... Mais quelqu'un avait fait de même de l'autre côté. Kyne se trouva nez à nez avec Christobal...

Celui-ci, trois heures plus tôt, avait laissé le garçon tranquilement dans sa chambre, au chaud entre ses draps. Il avait hésité à veiller sur lui mais avait finalement décidé de partir se coucher... Choix qui l'avait titillé durant ces longues trois heures pendant lesquelles il n'avait pas trouvé le sommeil. Il se disait que finalement il aurait du rester, que peut-être Kyne aurait-il besoin de quelque chose d'essentiel... Peut-être que son état allait empiré, etc...
Il était donc revenu veiller sur lui et se retrouvait à l'instant face à face avec le blondinet.

"Hé !"

Il le regarda de la tête aux pieds. Pas mal les vêtements mais... Pourquoi était-il debout ? Il avait vu l'heure au moins ? Et puis il ne semblait toujours pas en état de se déplacer...

Sourcils froncés, Blackstone plongea son regard acier, froid et hypnotisant dans celui du jeune homme.

"Excuse-moi, j'aurais du frapper peut-être..."

Il lacha la poignée de la porte et ramena simplement son bras le long de son corps.

"Mais je croyais que tu dormais, je venais voir si tu avais besoin de quelque chose..."

A nouveau un air de reproche brilla au fond de ses prunelles tandis que le plus jeune semblait vaciller.

"Voyons où vas-tu ?! Tu n'es pas en état de te déplacer !"

Kyne dévisagea longuement Christobal, très surpris de cette coïncidence. Un peu ébranlé par sa migraine, il ne parvint pas à imiter le plus vieux qui conservait son expression neutre. Une profonde affliction se lisait sur son visage aux traits tirés par la douleur et la tristesse.

"Dormir? Quelle heure est-il?"

Articula-t-il d’une voix pâteuse. Le pauvre garçon avait perdu la notion du temps, ignorant complètement qu’il faisait encore nuit. La seule chose qui importait, c’était de dénicher son sac contenant ses médicaments. Blackstone s’adressa à lui, mais le blond ne perçu que des brides. L’autre semblait si distant alors qu’il était si près. Son mal de tête augmentait et il perdait de précieuse minute à attendre. Il détourna le regard et, sautant du coq à l'âne, murmura faiblement.

"Je dois trouver mon sac…"

Sans rien ajouter, il contourna l’homme qui lui barrait chemin et s’engagea dans le couloir. Routel ne fit pas longue route déjà qu’il trébucha sur le sol. Il se releva mollement sans même réclamer d’aide. Peut-être était-il un peu trop indépendant? Mais, enfin…il avait du caractère. Kyne s’adossa contre le mur un instant pour souffler. Il toussota légèrement. La fièvre se propageait, tant et si bien, qu’il avait l’impression que ses mains brûleraient la tapisserie contre laquelle elles étaient appuyées.

Kyne sembla très surpris de son arrivée. Blackstone ne laissait rien paraitre, toujours aussi neutre, se contentant d'observer le malade. Il avait vraiment l'air pas bien... Il venait de prendre un air profonément meurtri. Quelle heure était-il ?

"Il est à peu près minuit Kyne..."

Il avait pris un ton un peu plus doux, se rendant compte du malaise aigu du jeune homme.
Il donna ensuite la raison de son effort pour sortir de la chambre. Il voulait retrouver son sac ? Mais pourquoi ? Y'avait le temps...
Cette tête de mule contourna Christobal qui fronça à nouveau les sourcils. Le blondinet trébucha tandis que l'autre le regardait d'un air exaspéré s'étaler au sol.

"Hé !..."

Christobal marcha jusqu'à Wrath et appuya une main de chaque côté de son visage, contre le mur. Il planta son regard dans le sien.

"Je répète, t'es pas en état."

Son ton était catégorique. Il ne le laisserait pas continuer ainsi.

"J'vais allé chercher ton sac, je suppose qu'il est à la salle à manger n'est-ce pas ?"

Kyne ancra son regard fiévreux dans les yeux glacial de Christobal. L’homme lui proposait une nouvelle fois son aide et Routel parut choqué. Il en avait déjà assez fait pour lui. Le blond baissa la tête et murmura d’une voix presque inaudible.

"Non…"

Il n’était guère pas un fin menteur et devinait qu’il serait rapidement cerné, mais il refusait que Blackstone se déplace encore pour lui. Dépendre d’un autre…il détestait ça. Sa migraine se faisait plus pénible et son teint devint cadavérique. Le jeune homme tituba puis tomba contre le torse de celui qui lui faisait face. Les paupières closent, il lui fallut un long moment pour comprendre la situation.

"Oui…mes médicaments…"

Wrath s’endormait, appuyé contre l’ancien chef d’entreprise. Un parfum lui chatouillait les narines, une odeur douce, adulte. Il battit soudainement des paupières et se dégagea prestement de l’homme.

"Désoler…je…"

Ses joues, déjà teinté par la fièvre devinrent encore plus rouges. Il sourit faiblement puis ajouta.

"Je vais seulement chercher mon sac puis je reviens. "

Non ? Il n'était pas à la salle à manger ?... Menteur...
Sourcils froncés, Christobal sentait qu'il allait devoir employer la force pour le faire se recoucher ! Mais non appremment... Kyne chancela et se retint contre le torse musclé de Blackstone qui gardait son expression neutre.
Il ne bougea plus... Et finit par avouer que le fameux sac se trouvait bien là où le châtain l'avait présagé.

Le blond ne bougeait pas. Etrange. Il était bien là ? Contre son torse ?
Christobal avait arqué un sourcil et dévisageait sans rien dire le jeune homme. Heu... Il voulait peut-être dormir là ?... <__<

Finalement, il s'excusa et se dégagea vivement de lui.
... En fait, maintenant que le contact était rompu, il se disait que ce n'était pas si désagréable de le sentir contre lui... Mais là il fallait qu'il aille se coucher !!!

"Chercher ton sac ?"

Il fronça les sourcils avec sévérité.

"M'as-tu mal entendu ? Tu n'es pas en état d'aller jusqu'à là-bas !"

Il se positionna devant Kyne de manière à lui barrer l'accés à la salle à manger.

"Je suis en pleine forme moi. Si tu insistes encore pour te traîner comme une loque jusqu'à ton sac, j'te soulève et te ramène de force dans ta chambre."

Les paroles pouvaient paraître être de l'humour, mais ce n'en était pas. Ceci était prouvé par l'air totalement sérieux de Blackstone qui plantait son regard dans celui du plus jeune.
Il reprit finalement d'un ton plus doux.

"Je vais aller te le chercher, ça ne me coûte rien. Toi, vas dormir !"

"D'accord..."

Kyne, épuisé, ne lutta pas contre Chrystobal. Il fit volte-face et se dirigea vers sa chambre d’un pas las. Il poussa la porte d’un coup de pied puis s’avança vers son lit où il se laissa retomber mollement. Le ciel dehors entièrement dépourvu de lune luisait d’une étrange façon, reflétant des ombres dans la pièce. Routel s’amusa à observer le mouvement des branches de l’arbre face à sa fenêtre. Elles se mouvaient, tels les doigts de mains griffues, s’ouvrant et se refermant à l’attente d’une proie à capturer. Le garçon soupira puis s’étendit sur le dos.

Sa migraine persistait, mais le jeune homme s’habituait à la souffrance. Elle devenait monotone, presque banale. Le blond s’abandonna donc à une période de réflexion, faisant le point sur cette journée. L’aube lui apparaissait comme lointaine, appartenant à une tout autre vie…bien avant qu’il ne franchisse le seuil de ce manoir. Il se souvint de ses cours. Pour son premier jour à l’université, science et mathématique, des matières dans lesquelles il excellait. Maintenant, ces habiletés lui étaient inutiles. Jamais il n’atteindrait le but qu’il s’était fixé sept ans de cela, devant la tombe de son frère.

Alors très jeune, ses capacités intellectuelles dépassaient déjà la norme. Il savait amèrement qu’il ne pourrait venger Adam par la force, puisqu’il avait toujours été faible, incapable de se défendre. Son aîné le protégeait continuellement…et il ne pourrait plus jamais le lui rendre. C’est pourquoi il se promit de faire payer chaque assassin osant fouler le sol de cette terre. Wrath ne possédait ni les critères requis ni le physique pour être policier ou inspecteur, faute de quoi il s’investit corps et âme dans des études avancés. Médecin légiste, voilà son seul salut.

"Pardonne moi Dam’…excuse moi…"

Ça lui était égal d’être prisonnier à jamais, égal de mourir entre ces murs…mais ne pas parvenir à accomplir sa promesse faite à son frère…il ne se pardonnait pas.

Kyne serra les poings, il n’arrivait plus à supporter tout ce poids qui pesait sur lui, l’oppressant d'une pénible manière. Tout autour semblait se cristalliser pour ensuite se rompre en éclats, déchirant son âme, lacérant son cœur.

Blackstone devait être loin…

"Excuse moi…"

Sa voix brisée portait dans l’obscurité, telle une mélodie mélancolique aux notes débordantes de peines. Ses épaules furent secouées d’un sanglot. Lentement, il porta la main à son visage d’où jaillissait des larmes. Celles-ci dégringolaient sur ses joues pour se perdre dans sa chevelure de blé. Il pleurait silencieusement sa souffrance comparable à la nuit, à la fois douce et cruelle.

Voyant que Kyne obéissait docilement, il fit lui-même volte-face pour se rendre à la salle à manger. Bien évidemment, le sac était resté près de la chaise, avec la chemise. Il prit le tout délicatement et se dépêcha de revenir auprès du malade. Il était encore possible que cette tête de pioche tente d'aller quelque part sans le lui dire...

Il revint presqu'en courant jusqu'à la chambre du blondinet. La porte était restée entrouverte. Il jeta un regard à l'intérieur. Kyne était allongé sur le dos, sur son lit. Il sanglottait...

Excuse-moi...

A qui parlait-il ? Il n'y avait personne ici... Blackstone fronça vaguement les sourcils en poussant en silence la cadran, de bois brut. Sans un bruit, il marcha dans la chambre, jusqu'à Wrath. Il s'assit doucement à côté de lui et posa une main sur son front, écartant quelques mèches de cheveux.

"Kyne ?... J'ai ton sac... Et j'ai ausi ramené ta chemise..."

Toujours assis à ses côtes, il mit le sac en question bien en évidence. Son regard mélancolique était posé sur le visage du jeune homme. Il glissa de son front à sa joue qu'il caressa du dos de l'index avant d'en essuyer les larmes.

Abasourdi, Kyne ouvrit la bouche pour protester, trouver une excuse à ses larmes, mais aucun son ne dépassa ses lèvres. Il se contenta de se rasseoir pour prendre son sac. Le garçon en ouvrit la poche avant d’où il ressortit une bouteille contenant des pilules blanches. Il déboucha le couvercle et fis glissé l’un des médicaments dans sa main pour ensuite l’avaler d’un trait. Le blond déglutit difficilement.

"Désoler…c’est ma migraine…elle me fait parfois délirer…"

Quel mensonge absurde! Routel posa ses prunelles soleil sur le mur d’en face, entrecroisant nerveusement avec ses doigts. Il se mordillait la lèvre inférieure ne supportant pas le silence qui pesait sur la scène. Le jeune homme se mit à trembler puis ses lèvres se fendirent en une expression de souffrance. Kyne se pencha soudainement à l’avant, la tête lui touchant presque les genoux et ses cheveux tombaient en rideau devant son visage. Il se mit à pleurer, tentant vainement d’étouffer ses sanglots bruyants. Rongé par le chagrin, il ne se souciait plus que Blackstone soit à côté de lui. Il craquait.

Trop de poids sur les épaules, trop de souffrances enterrées qui refaisaient brusquement surface. Pourquoi la vie jouait-elle de lui ainsi? N’avait-il pas le droit comme chacun à un peu de bonheur. Jamais depuis la mort de son frère il ne libéra sa peine malgré la solitude, malgré la misère. Trop de chose à faire, trop de projet à accomplir, une promesse trop lourde à assumer, pas de temps pour les sentiments. Malheureusement, toutes nos émotions doivent ressortir un jour. Les mettre en cage ne fait que retarder leur effet qui amplifie avec le temps. Cette bombe à retardement explosait enfin.

Kyne se redressa et prit son médicament. Christobal fronça les sourcils.
Comment ferait-il quand il n'en aurait plus ?...
Sa migraine le faisait délirer... ? Il aurait été prêt à croire ce mensonge si le blondinet ne se serait pas ainsi mis à pleurer. Blackstone ne sut pas vraiment comment réagir. Peut-être Wrath voulait-il qu'il le laisse tranquile... Peut-être devait-il partir silencieusement maintenant...
Mais la peine de garçon lui faisait mal au coeur, et ses sourcils d'habitude froncés avec froideur se tirèrent d'une expression de compation. Il glissa doucement au sol pour s'agenouiller face au jeune homme et le prit doucement dans ses bras.

Il ne savait pas pourquoi il pleurait... Le fait de se rendre compte qu'il était coincé ici peut-être... Ou autre chose... Mais ça il ne le lui demanderait pas directement ! Il lui en parlerait s'il le voulait mais lui ne le pousserait à rien. Après tout, tout le monde avait ses peines et ses blessures, enfouies au fin fond de leur coeur...

Ses bras enroulés autour de ses épaules le serraient doucement contre lui. Après tout, il n'avait que ça à lui offrir. Une épaule compatissante et compréhensive... Mais malgré tout restait le doute... Kyne semblait d'assez mauvais caractère et il ne voudrait peut-être pas rester ainsi...

En murmurant, il questionna le jeune homme à l'oreille.

"Tu veux que je m'en ailles ?"

Des bras chaleureux l’étreignirent. Kyne appuya sa tête au creux de l’épaule de Christobal. Il ne saurait dire pourquoi, mais cette accolade le réconfortait. Il se sentait à l’abri de toute la douleur du monde. À la question de Blackstone, le garçon hocha négativement de la tête.

Il sanglota jusqu’à ce qu’il n’ait plus assez de larmes pour pleurer. Il s’assoupit finalement dans les bras de l’homme. Son visage se détendit pour arborer une expression de sérénité. Son cœur enfin libérer d’une vieille souffrance reprit un rythme régulier. Encore fragile, facilement effarouchable, mais peut-être deviendrait-il plus ouvert. Dans son sommeil il murmura faiblement.

"Pardon…grand frère…"

Dans l’agitation, le contenue de son sac c’était déversé sur le sol. Ses cahiers jonchaient sur le plancher ainsi que plusieurs manuels de science. Dissimulé sous un lourd ouvrage sur la biologie, se trouvait un livre plus petit que les autres. Il s’agissait d’un manga intitulé : Love Mode. Étrangement, il semblait positionner dans son cartable de sorte que nul ne puisse le trouver…avait-il un autre secret à cacher?

Le blond ne voulut pas le laisser partir. Blotti au creux de son épaule, Christobal n'osa plus bougé. Cela semblait lui faire du bien alors tant mieux. Il continua de sangloter contre lui jusqu'à ce que plus aucun bruit ne trouble le silence étrange de la pièce décorée pour rapeller la rose rouge. Le châtain glissa doucement ses doigts dans les cheveux du jeune homme qui s'endormait ainsi réconforté. Mais il ne pouvait pas passer la nuit dans cette position !
L'ex-entrepreneur souleva le plus jeune et l'allongea sur le matelas. Il fit en sorte de le débarasser de son haut de costume avant de ramener sur lui les couvertures chaudes et douces.
Il ne pouvait rester dormir auprès de lui, ça ne se faisait pas tout de même ! Debout, il observait le visage angélique du nouvel arrivé. Son pied rencontra ses livres qui s'étaient étalés sur le sol. Maniaque comme il l'était il ne supporta pas ce bazard et empila les livres. Il ne fit pas attention au manga... Ou du moins apercevit-il la couverture... Cela ne le choqua pas et ne l'intéressa même pas. Chacun ses occupations ! Si le petit aimait la bd, tant mieux ! (XD)

Il s'assit au sol et appuya ses bras et sa tête sur le matelas. Il allait rester là le temps qu'il soit sûr qu'il dormait. Mais il finit lui-même par s'endormir...

Une profonde inspiration rompit la monotonie du rythme de son sommeil. Kyne fronça les sourcils puis gémit. Un semblant de soleil traversait les vitraux, répandant une douce ambiance colorée dans la chambre. Le blond entrouvrit faiblement les paupières. Sa fièvre s’était évanouie, mais un mal de gorge persistait : rien d’alarmant. Il tourna la tête sur le côté rencontrant soudainement le visage de Blackstone. Routel sursauta et se retint afin de ne pas crier de stupeur. Il porta la main à son cœur qui s’était emballé brusquement. Le garçon appuya son dos contre les oreillers. Il observa longuement le visage de son aîné, s’accordant sur un fait : il était très beau. Malgré l’allure dure qu’il arborait toujours, cet homme possédait un grand cœur.

"Merci…"

Wrath sourit d’une façon timide. Peut-être les choses s’arrangeraient-elles…

Soudain, son regard fut attiré par la pille de livre reposant sur le bureau. Sur le dessus, trônait un ouvrage plus petit que les autres. Kyne s’empourpra violemment et sauta du lit pour cacher cet objet tabou. Il lança un bref coup d’œil à Blackstone. Fort probable que c’était lui qui avait empilé ses bouquins. Que penserait-il de lui dorénavant?

Merci...
Lui qui avait le sommeil léger ouvrit lentement les yeux. Quelqu'un avait parlé ? ah mais oui biensur, c'était Kyne. Blackstone étira doucement ses bras avant de décoller sa tête du matelas. Le soleil était levé, le blondinet était réveillé.

"Bonjour... Bien dormi ?"

Sa voix était basse et extrêmement grave du fait qu'il venait de se réveiller.

Mais déjà le jeune homme sautait du lit pour vivement caché un des bouquins. LE châtain fronça les sourcils, étonne, et dévisagea Kyne. Celui-ci faisait de même.

"Qu'est-ce qu'il te prend ?"

Ce qu'il pensait de la lecture de loisir de Wrath ? Bah... Rien. ^^'
Ses prunelles grises s'étaient plongées dans celles dorées du blond, le toisant d'un air interrogateur. Avait-il fait quelque chose de mal ?

"Oui…j’ai bien dormi"

Christobal ne semblait pas réagir face aux lectures douteuses de Kyne. Soulagé, celui-ci se retint de soupirer d’aise. Le garçon toussota quelque peu alors qu’il replaçait son livre avec les autres. Honteux d’avoir causé un tel remue-ménage pour aussi peu, le blond détourna subtilement le sujet.

"Je suis désolée de vous embêter ainsi… je suis vraiment idiot d’avoir pleuré hier soir."

Routel lui, ne regrettait pas sincèrement de s’être libérer d’une aussi grande peine. De plus, le souvenir de l’étreinte de Blackstone lui était précieux. L’idée de se retrouver à nouveau dans ses bras puissants lui teinta les joues d’une vive couleur rouge. Le garçon ne s’emballa pas, l’autre homme accuserait probablement la fièvre. S’il ne tentait rien de stupide, cette couleur dut à ses envies tordues passeraient inaperçue.

*Mais pourquoi je pense à de telles choses?*

Kyne pivota légèrement sur le côté, affolé. Il admettait que sa tendance homosexuelle lui donnait parfois des idées farfelues, mais jamais d’une personne précise de plus, il s’agissait là d’un inconnu. Enfin…plus si inconnu que cela puisque l’événement de la veille les unissait en quelque sorte, contre leur gré. Le blond observa son compagnon d’un coup d’œil furtif. Pourquoi réagissait-il ainsi? Pourquoi ressentait-il une telle émotion? Alors qu’ils ne se connaissaient à peine.

*Ça doit être la maladie…*

Constatant avec stupéfaction qu’il était torse nu, Wrath s’empressa de se couvrir d’un peignoir suspendu à la chaise du bureau…depuis quand un peignoir se trouvait-il là? Peu importe, ce genre d’événements commençaient déjà à paraître normaux.

Kyne détourna vivement le sujet en reposant son bouquin. Blackstone, toujours sur le lit, se redressa sur son séant. Le blondinet était étrange ce matin. Qu'avait-il ? Il était rouge... La fièvre ? Oui, sûrement.

"Idiot ?"

Christobal arqua un sourcil, dévisageant le plus jeune. Il était mignon comme ça, les joues rosies. Il semblait un peu plus calme que la veille en effet.

"Oui, tu es un idiot..."

Son ton était froid et son regard dur. Mais peu à peu un sourire se dessina sur ses lèvres.

"Tu es idiot de te trouver idiot d'avoir pleurer."

Il se dressa alors sur ses jambes, dominant de sa hauteur le blond. Il posa une main sur sa joue.

"Quand on a besoin de pleurer, il ne faut pas retenir ses larmes. Plus un abcès est gros, plus ça fait mal quand il éclate."

Il continuait de plonger son regard dans celui de Kyne. Il l'avait serré contre lui hier soir, sans arrière pensée, juste pour le réconforter, pour lui apporter une épaule solide sur laquelle pleurer et exorciser sa peine.
Ici, enfermé dans ce manoir aux phénomènes inexpliqués, le blondinet n'avait sûrement pas fini de faire le point sur soi-même... Blackstone lui-même avait beaucoup mûri de cet emprisonnement. Car dans de tels instants, on se retrouvait seul face à soi-même. On repensait à sa vie, celle que l'on avait avant...
Beaucoup de personnes ici s'étaient retrouvées changées par le manoir et par la quasi solitude qu'il entrainait.

Le châtain s'écarta poliment. Son sourire avait disparu et son visage était redevenu l'habituel.

"As-tu faim ?"

(Bonnes vacances !)

Kyne s’empourpra lorsque Christobal affirma qu’il était idiot. Jamais de sa vie quelqu’un ne lui avait répondu de la sorte: d’une manière catégorique et froide. Puis, une main se posa sur sa joue. Surpris, le garçon releva les yeux, croisant les prunelles de glaces, mais son attention fut portée sur ce sourire qui fleurissait aux lèvres de son interlocuteur. Bouche bée, il ne parvint pas à articuler le moindre mot, acquiescent muettement aux dires de Blakstone. Cet homme dévoilait une facette de sa personnalité qui s’avérait être un excellent ami sur qui compter. Mais par dessus tout, il avait raison…une peine enterrée finit toujours par refaire surface, plus terrible et destructrice qu’à sa création.

À la question de son interlocuteur, Wrath porta instinctivement la main à son ventre. Son estomac émettait de légers gargouillis, mais son appétit était de curiosité. Cette faim de découvertes lui permettrait d’oublier son instabilité émotionnelle du moment. De ne pas songer également aux conséquences de cet emprisonnement. Comme le manque inéluctable de médicament qui adviendrait un jour ou l’autre. Ses migraines augmentaient de fréquence, créant une parcelle d’inquiétude dans son cœur, ternissant ses espoirs de bonheur. Quelqu’un de sage lui avait déjà promis que toutes les larmes et toutes la souffrances se transforment un jour en un cadeau merveilleux. Une vie composée uniquement de malheurs demeurait impossible. Cette personne reposait désormais dans un cercueil.

*Adam…*

Le blond soupira puis feignit un sourire.

"Oui…j’ai un peu faim…mais j’aimerais surtout visiter un peu les lieux. Si je suis condamné à vivre ici, autant connaître l’endroit."

Son regard s’assombrit. Le monde autour semblait s’effrité, se flétrir. Malgré tous ses efforts, chaque fois qu’il se rappelait sa condition réanimait le poison dans ses veines, le rongeant lentement de l’intérieur. Déjà que le vide y comblait une partie importante. Que resterait-il de Routel si la vie persistait à s’acharner ainsi sur lui? Probablement une coquille dépourvue d’âme et d’émotion.

Et voilà que Blackstone se mettait à prendre soin d'un jeune homme à peine arrivé. Tandis qu'il observait Kyne, ses yeux se perdirent dans le vide alors qu'il sombrait dans ses réflexions. Aurait-il fait ça avant ?... Quand son travail plus noir que blanc prenait tout son temps et quand la solitude de cet endroit maudit ne l'avait encore fait méditer...
Il était devenu d'une gentillesse effrayante, bien qu'il ait gardé sa froideur. Qu'adviendrait-il de ce jeune étudiant quand lui aussi aurait vécu cet enfermement forcé au beau milieu d'un délire surnaturel effarant ?...
Seul l'avenir pourrait répondre à cette question, personne ici n'avait la capacité de prédire les évolutions de chacun.

Il voulait donc d'abord visiter... Il aurait peut-être été préféréable qu'il se restaure avant d'entreprendre la longue visite du manoir Harland. Et puis personne ne connaissait l'intégralité de ce lieu. Il y avait des endroits cachés à certains, montrés à d'autres. Quelques unes n'apparaissaient qu'à une seule personne dans un but précis et machiavélique. Le petit jeu que menaient les maîtres inconnus et volatiles de cet endroit de fous étaient d'une démence sans pareille. On aurait pu les comparer à des dieux, jouant avec une fourmilière, créant le destin comme on crée la vie, montant des plans manipulateurs pour se distraire...

"C'est d'accord. Il aurait peut-être mieux valu que tu manges un bout avant... Mais si tu es décidé, allons-y."

Son ton était neutre, son visage de même. Ses longs cheveux soyeux et bouclés encadraient son visage opalin comme deux rideaux de satin, sans pour autant réussir à faire partir ce constant air froid et intimidant.

"Je te préviens tout de suite que la totalité de ce manoir n'est connue de personne à ma connaissance."